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Qu’est-ce que l’intervision et comment fonctionne-t-elle ?

Jo Vervaet
L’intervision est une méthode précieuse pour apprendre les uns des autres entre collègues. On y discute de situations actuelles vécues au travail, on se pose des questions approfondies et on découvre de nouvelles perspectives. Ce n’est ni du coaching, ni une formation, ni une simple conversation informelle : l’intervision se déroule selon une structure claire et avec des rôles définis. Dans ce blog, vous découvrirez ce qu’est l’intervision, comment elle fonctionne, dans quelles situations vous pouvez l’utiliser et comment garantir son succès.

Qu’est-ce que l’intervision?

L’intervision est un échange structuré entre professionnels autour de situations, de défis ou de problèmes rencontrés dans le travail, où chacun apprend des autres et avec les autres. Un des participants, appelé le porteur de cas, apporte une question d’intervision pour laquelle il ou elle n’a pas encore trouvé de solution. Ensemble, les membres du groupe d’intervision examinent ce qui se passe réellement, quels facteurs jouent un rôle et quelles pistes ou solutions sont envisageables.

Un aspect essentiel de l’intervision est l’égalité : il n’existe pas de hiérarchie et chacun peut soumettre une question d’apprentissage. Même sans présenter de cas, on apprend énormément en écoutant activement, en posant des questions et en participant à la réflexion collective.

Il existe différentes méthodes d’intervision. Vous trouverez plus d’informations dans l’article : Un aperçu de 15 méthodes d’intervision.

Qu’est-ce que le coaching d’intervision?

Dans le cadre du coaching d’intervision, un facilitateur ou coach d’intervision accompagne le processus. Ce n’est pas un expert du contenu discuté, mais la personne qui veille à la structure, au rythme et à la sécurité du groupe d’apprentissage. Le coach d’intervision s’assure que chacun s’exprime et que la discussion reste centrée sur l’apprentissage.

Que fait-on pendant une intervision?

À faire :

  • Apporter un cas et réfléchir ensemble à la question posée.
  • Réfléchir explicitement en groupe.
  • Poser des questions utiles.
  • Encourager à passer à l’action.
  • Écouter attentivement et résumer pour aller à l’essentiel.
  • Explorer différentes perspectives.

À éviter :

  • Donner immédiatement des conseils.
  • Fournir directement des solutions.
  • Prendre le dessus dans la conversation ou ramener le sujet à soi.
  • Juger ou critiquer sans qu’on le demande.
  • S’éloigner du sujet.

Les rôles et tâches dans l’intervision

Le porteur de cas

Le porteur de cas est celui ou celle qui présente une situation professionnelle concrète et actuelle. Il est important qu’il ou elle formule clairement le cœur de la question et distingue l’essentiel de l’accessoire. Le piège est de donner trop de détails ou de ne pas poser de question précise.

Exemple: Élise apporte un cas où un projet dont elle est responsable risque de déraper parce qu’un membre de son équipe ne respecte jamais les délais. Sa question d’intervision est : "Comment puis-je m’assurer que mon projet reste sur les rails si un membre de l’équipe manque systématiquement les échéances?"

Les participants

Les participants sont les collègues qui soutiennent le porteur de cas. Leur rôle principal est d’écouter, de poser des questions et de donner du feedback. Ils aident à approfondir la question et, dans une phase ultérieure, à donner des conseils. Ils doivent aussi veiller à l’équilibre des échanges et laisser de la place aux autres. Le piège est de passer trop vite aux conseils, de bombarder de questions ou de ramener le cas à leur propre expérience.

Exemple: Face au cas d’Élise, les participants posent des questions comme : "Quels accords avez-vous déjà pris?", "Qu’as-tu déjà essayé?", "Comment voudrais-tu que la collaboration évolue d’ici trois mois?"

Le facilitateur

Le facilitateur ou coach d’intervision accompagne le processus et veille au respect de la structure. Il ou elle gère le temps, s’assure que tout le monde s’exprime et maintient le cap sur l’objectif d’apprentissage. Le facilitateur ne donne pas d’avis sur le contenu du cas, mais aide le groupe à collaborer et à atteindre l’essentiel. Le piège est de s’impliquer dans le fond du sujet ou de perdre la structure, rendant la discussion trop vague.

Exemple: Pendant la session d’Élise, le facilitateur remarque que certains donnent déjà des conseils ("Tu devrais simplement lui en parler en réunion") alors que l’analyse n’est pas terminée. Il intervient : "Explorons d’abord davantage le cœur du problème avant de discuter des solutions."

Comment fonctionne concrètement l’intervision?

Phase 0 – Préparation de la question d’intervision

Le porteur de cas prépare sa question, de préférence avant la session. La question doit être actuelle, concrète et rédigée à la première personne. L’écriture permet de distinguer l’essentiel de l’accessoire et d’aller à l’essence de la question. Il peut y avoir plusieurs questions et plusieurs porteurs de cas.

  • Le porteur prépare sa question, claire et précise.
  • Le facilitateur vérifie qu’elle répond aux critères (actuelle, concrète, à la première personne).
  • Les autres participants lisent le cas avec ouverture et sans jugement.

Phase 1 – Bilan et nouvelles questions d’apprentissage

La session commence par un bref retour sur la réunion précédente. Les participants partagent les actions menées suite aux conseils reçus. Ensuite, on identifie les nouvelles questions et le groupe choisit quel cas sera traité.

  • Le facilitateur conduit le retour, encourage le partage bref et gère le temps.
  • Tous les participants partagent leur suivi, choisissent une question pour la session.
  • Les porteurs présentent brièvement leur cas sans trop de détails.

Phase 2 – Analyse de la question

Les participants posent des questions approfondies pour cerner la véritable problématique. Ils écoutent, reformulent et questionnent pour clarifier ce qui se joue derrière la situation.

  • Le facilitateur veille à ce que les questions restent ouvertes, brèves et sans jugement.
  • Les participants posent des questions de fond, écoutent activement et résument.
  • Le porteur répond avec sincérité et réflexion, sans digressions.

Phase 3 – Réflexion

On explore ici le rôle du contexte et la manière dont le porteur gère la situation. L’objectif est d’identifier les schémas et influences extérieures qui contribuent au problème.

  • Le facilitateur guide la discussion pour rester centré.
  • Les participants partagent observations et schémas sans jugement.
  • Le porteur réfléchit à son propre comportement et à l’influence de l’environnement.

Phase 4 – Conseils

Les participants formulent des pistes ou approches alternatives. Parfois, ils reformulent la question initiale pour mieux correspondre au vrai problème.

  • Le facilitateur encourage des conseils courts, concrets et réalisables.
  • Les participants proposent suggestions et avertissent des éventuels écueils.
  • Le porteur écoute sans débattre et note ce qui l’interpelle.

Phase 5 – Plan d’action

Le porteur choisit parmi les conseils ceux qui sont les plus pertinents et réalisables, puis élabore un plan d’action concret avec des étapes et un délai.

  • Le facilitateur aide à formuler un plan réaliste et précis.
  • Le porteur sélectionne et précise les actions, fixe une échéance.
  • Les participants évaluent la faisabilité et apportent, si nécessaire, des compléments.

Phase 6 – Évaluation

La session se conclut par une évaluation collective: retour sur le processus et le déroulement. L’accent est mis sur ce qui a bien fonctionné, ce qui peut être amélioré et les apprentissages acquis.

  • Le facilitateur anime une évaluation brève et constructive.
  • Le porteur exprime son ressenti et ses principaux acquis.
  • Les participants partagent leurs apprentissages et suggestions d’amélioration.

Quand utiliser l’intervision?

L’intervision est surtout utile quand les professionnels font face à des situations où ils n’ont pas immédiatement de réponse, mais où d’autres du groupe peuvent apporter expériences et perspectives. Exemples de questions :

  • La communication avec un collègue ou un supérieur est difficile et vous voulez améliorer la collaboration.
  • Vous hésitez sur la manière de gérer un projet et souhaitez explorer les options et leurs avantages/inconvénients.
  • Vous rencontrez de la résistance de clients ou parties prenantes et cherchez à transformer cela en coopération.
  • Vous avez une forte charge de travail et souhaitez préserver l’équilibre sans perdre en qualité.
  • Vous devez prendre des décisions complexes impliquant divers intérêts.
  • Des tensions existent dans l’équipe et vous cherchez une approche fédératrice.
  • Vous doutez de vos compétences ou décisions professionnelles.
  • Vous êtes confronté à un dilemme éthique où règles et valeurs s’opposent.
  • Vous assumez de nouvelles responsabilités ou un nouveau rôle et cherchez votre place.
  • Vous êtes en panne de créativité et souhaitez trouver de nouvelles inspirations.

Critères de succès de l’intervision

  • Les participants se sentent en sécurité, égaux et libres de s’exprimer.
  • Tout le monde suit la même structure et respecte les règles.
  • Participation active de tous durant le processus.
  • Les cas présentés sont actuels, pertinents, non résolus et formulés à la première personne.
  • Climat d’ouverture, respect mutuel et feedback constructif.
  • Engagement à se réunir régulièrement.
  • Les managers qui accompagnent le processus coachent sur la méthode, pas sur le contenu.
  • La participation est volontaire.
  • Motivation à apprendre et à appliquer les acquis dans la pratique.
  • Confidentialité garantie.
  • Engagement suffisant pour contribuer activement.
  • Volonté d’une auto-réflexion critique.
  • L’intervision est intégrée à la politique RH comme levier essentiel du transfert.

Quels sont les avantages de l’intervision?

  • Pas de hiérarchie, apprentissage entre pairs.
  • Les situations sont parlantes pour tous.
  • L’intervision abaisse les barrières pour poursuivre ensuite les échanges entre collègues.
  • Elle ouvre de nouvelles perspectives: on entend d’autres points de vue.
  • On apprend des autres même sans présenter de cas.
  • Elle améliore la collaboration, la confiance et la compréhension dans les équipes.
  • Elle renforce l’auto-réflexion: pratique de l’écoute, du questionnement, de l’analyse sous angles divers.
  • Elle favorise l’autonomie et la confiance en soi.
  • Les participants s’exercent aux techniques de communication.
  • On reçoit un feedback direct sur son fonctionnement, ce qui donne un meilleur aperçu de ses comportements et schémas de pensée.

Quand l’intervision n’est-elle pas appropriée?

Le coaching d’intervision est un puissant outil d’apprentissage, mais pas adapté à toutes les situations :

  • Dans des organisations où le climat d’apprentissage est malsain et où l’erreur est sanctionnée.
  • Quand les participants manquent de connaissances ou compétences pour comprendre et suivre le processus.
  • Si certains participants ont un ego surdimensionné, sont très sensibles au statut ou adoptent une attitude rigide qui empêche le dialogue.
  • S’il y a moins de quatre sessions, ce qui ne permet pas de construire un apprentissage durable.
  • En l’absence de confiance et de volonté de se montrer vulnérable.
  • Si les cas apportés ne sont pas actuels, pertinents ou encore non résolus.
  • Lorsque l’intervision est utilisée comme une évaluation déguisée plutôt qu’un outil d’apprentissage.

Pistes de lecture autour de l’intervision

Pour approfondir le thème de l’intervision et du codéveloppement, voici quelques ouvrages de référence :

  • Adrien Payette & Claude Champagne, Le groupe de codéveloppement professionnel, Presses de l’Université du Québec, 1997.
  • Claude Champagne, Le codéveloppement. L’intelligence collective au service de l’individu et du groupe, Eyrolles, 2021.
  • Michel Moral & Pierre Angel, Le coaching et sa supervision. Outils et pratiques, InterEditions, 2019.
  • Florence Lamy & Michel Moral, Les outils de la supervision dans les métiers de l’accompagnement (2e éd.), InterEditions, 2021.
  • Joseph Rouzel, La supervision d’équipes en travail social (2e éd.), Dunod, 2015.

Envie d’aller plus loin?

Si vous souhaitez apprendre à animer l’intervision et à utiliser différentes méthodologies de manière professionnelle, La Formation de coach en intervision est le parcours idéal. Vous y découvrez en profondeur comment structurer une séance, accompagner les rôles et mettre en pratique les méthodes adaptées à chaque situation.

Dans d’autres programmes de coaching de HRD Academy, l’intervision est également utilisée comme outil d’apprentissage collectif. C’est le cas notamment dans La formation Le coaching qui inspire, la Masterclass coaching d’équipe, la Formation Coaching Systémique, la Formation aux outils de coaching pour la performance durable, la Formation de coach en stress et burn-out ou encore la Formation de coach de carrière. Vous y expérimentez l’intervision comme méthode pour approfondir vos compétences, renforcer la collaboration et enrichir votre pratique de coach.

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